ABROGATION DE LA RETRAITE à 64 ANS : LES TROIS SCéNARIOS POSSIBLES

Coup dur pour les députés Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires). Ce mercredi, la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale a voté, par 38 voix contre 34, la suppression de l'article 1 de la proposition de loi du groupe indépendant, qui prévoit l'abrogation du recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Mais le texte, dont l'examen se poursuit, n'est pas enterré pour autant. Pour Benjamin Morel, professeur en droit public à l'université Paris-II- Panthéon-Assas, trois scénarios sont probables.

  • La proposition de loi est adoptée en commission sans son article phare

« La première possibilité, c'est que le texte soit adopté en commission des Affaires sociales avec la suppression de l'article 1 », explique le maître de conférences. « Si c'est le cas, le 8 juin, l'hémicycle débattra sur le texte tel qu'il a été adopté par la commission, c'est-à-dire sans la disposition phare qui en justifiait l'existence », affirme-t-il.

L'opposition devra alors déposer des amendements pour réintroduire l'abrogation du recul de l'âge légal à 64 ans. Le risque est que ces amendements soient déclarés irrecevables par la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, au titre de l'article 40 de la Constitution. « Je prendrai mes responsabilités », a-t-elle assuré mardi, après avoir été critiquée dans son propre camp pour ne pas avoir fait barrage au texte plus tôt.

À LIRE AUSSIRetraites : la gauche quitte la commission et dénonce des « magouilles » L'article 40 dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ». Pour les amendements, ce filtre préalable via l'article 40 revient à la présidente de l'Assemblée nationale, qui peut le déléguer au président de la commission des Finances.

Cette hypothèse est cependant très peu probable puisque le poste est occupé par le député LFI Éric Coquerel. Ce dernier a donné mardi son feu vert à l'examen de la proposition de loi d'abrogation de la retraite à 64 ans, la jugeant « recevable ».

  • Le texte n'est pas examiné en commission

Deuxième scénario imaginé par Benjamin Morel : le texte n'a pas fini d'être examiné en commission. « Auquel cas il sera examiné le 8 juin dans sa version initiale, celle qui a été déposée par le groupe Liot, sans la suppression de l'article 1 », développe le maître de conférences. D'où l'intérêt pour l'opposition de faire obstruction à l'examen du texte afin que celui-ci ne parvienne pas à son terme.

À LIRE AUSSIRetraites : les syndicats maintiennent leur détermination pour le 6 juinLa gauche, LFI en pointe, a déjà contre-attaqué en déposant plus de 3 000 amendements sur l'article 2, qui propose la réunion d'une « conférence de financement » des retraites. « Si on n'a pas le temps de discuter de l'ensemble du texte, il reviendra en l'état initial en séance [le 8 juin, NDLR], il peut y avoir un intérêt à faire ça », a déclaré le député LFI Alexis Corbière.

La majorité n'a cependant pas tardé à riposter. « Au regard de cette obstruction flagrante, nous allons poursuivre sans examiner les amendements et sous-amendements déposés par la Nupes », a annoncé la présidente de la commission, Fadila Khattabi (Renaissance), faisant approuver sa décision par le bureau de l'instance après de vives protestations de la gauche.

  • La proposition de loi est rejetée par la commission

Troisième option : « Le texte est rejeté par la commission des Affaires sociales, liste enfin Benjamin Morel, c'est-à-dire que la majorité des membres de la commission votent contre le texte tel qu'il a été amendé. » Dans ce scénario, le texte du groupe Liot serait également examiné en séance publique dans l'hémicycle dans sa version initiale, avec un âge légal de départ à la retraite à 62 ans. « Paradoxalement, il est donc assez probable que, lors du vote du texte en commission, la Nupes, le RN et Liot votent contre la proposition de loi et que la majorité vote pour », explique le professeur en droit public.

À LIRE AUSSIReprise du bras de fer autour de la réforme des retraitesCe dernier scénario est toutefois plus hypothétique, la commission des Affaires sociales ayant majoritairement voté pour la suppression de l'article 1 du texte. « La bataille est surtout entre les deux premiers scénarios : soit une adoption du texte tel que modifié par la commission, soit une obstruction qui parvient à faire qu'on ne vote pas au sein de la commission », estime Benjamin Morel.

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