MACRON TRAITé D’« ORDURE » : QUE RISQUE-T-ON à S’EN PRENDRE AU PRéSIDENT DE LA RéPUBLIQUE ?

Le chef de l’État est régulièrement raillé au cours des manifestations mais cette fois-ci, les autorités ont certainement jugé l’affront trop grave. Une militante contre la réforme des retraites a été poursuivie pour avoir qualifié Emmanuel Macron d’« ordure » sur les réseaux sociaux. Cette figure des Gilets jaunes du Nord sera jugée pour outrage envers une personne dépositaire de l’autorité publique dénonçant une tentative d’intimidation. Quelques jours plus tôt, c’est Thomas Ghestem, un enseignant niçois, qui a eu affaire à la justice pour avoir malmené un pantin à l’effigie du chef de l’État. Convoqué au commissariat pour le même délit et « provocation publique à la commission de crime ou délit sans intention », il a été défendu par ses syndicats. « Ces méthodes d’intimidation ont été appliquées dans plusieurs villes de France : elles sont intolérables et inacceptables », ont-ils écrit dans un communiqué. Sur les réseaux sociaux, certains internautes ont dénoncé la protection dont disposerait la sacro-sainte figure présidentielle, mais qu’en est-il réellement ? Cette protection s’est en fait largement assouplie depuis une dizaine d’années. Il existait encore récemment un délit d’offense au chef de l’État, passible de trois mois à un an d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 euros, jusqu’en 2000, puis d’une simple amende du même montant ensuite. « Il s’agissait d’une infraction des plus banales comme celles pour injure ou diffamation mais pour le président, on en a fait un délit particulier afin de solenniser la chose », explique Philippe Conte, professeur de droit à l’Université Panthéon-Assas, qui rappelle que peu de Français ont été condamnés pour offense au chef de l’État au cours de la Ve République. Le délit a disparu en 2013 à la suite d’une bataille judiciaire entre l’État français et Hervé Éon, un militant qui avait brandi une pancarte « Casse-toi pauv’ con » devant Nicolas Sarkozy en 2008 (en référence à la fameuse phrase prononcée par l’ex-président de la République). L’affaire était parvenue jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme, qui avait jugé à l’époque que le délit avait « un effet dissuasif sur les interventions satiriques qui peuvent jouer un rôle très important dans le libre débat des questions d’intérêt général », forçant l’État français à l’abroger. Protégée par la jurisprudence Si Thomas Ghestem - le propriétaire du pantin - a été relâché sans qu’aucune charge n’ait été engagée contre lui, la militante du Nord devra répondre de ses actes devant la justice en juin prochain. L’outrage contre une personne dépositaire de l’autorité publique est puni d’une amende allant de 7500 à 15 000 euros, pouvant aller jusqu’à une peine d’un an d’emprisonnement. Mais il y a peu de chances que la Gilet jaune soit condamnée au vu de la jurisprudence. En décembre dernier, la Cour de cassation avait donné raison à un Varois poursuivi pour injure publique pour avoir affiché un panneau représentant Macron grimé en Hitler sur lequel était écrit : « Obéis. Fais-toi vacciner », estimant que les photomontages « satiriques », s’inscrivaient « dans le débat d’intérêt général » sur le passe vaccinal. Concernant la militante du Nord, « ses propos s’inscrivent dans un contexte de débat d’intérêt général que représente la réforme des retraites. Elle est donc fortement protégée au titre de sa liberté d’expression politique », estime Nicolas Hervieu, juriste professeur à Sciences-po et spécialiste des libertés. « Si elle est condamnée, elle pourra toujours saisir la Cour européennne des droits de l’homme (CEDH) qui risque, comme lors de l’affaire Éon, de lui donner raison et de condamner l’État français une nouvelle fois », ajoute Philippe Conte. Dans cette affaire, le fait d’être président de la République est donc un… désavantage pour Emmanuel Macron. Lorsque le chanteur Marc Rebillet l’avait insulté en plein concert au Touquet en août 2022, l’État n’avait d’ailleurs pas pris la peine de l’attaquer en justice, considérant certainement que les poursuites avaient peu de chances d’aboutir.

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