SAINTE-SOLINE : LA PRéFèTE DES DEUX-SèVRES DéFEND LES SERVICES DE L’ÉTAT

Attaqué sur sa gestion du maintien de l'ordre pendant la manifestation du 25 mars à Sainte-Soline, le ministère de l'Intérieur a décidé de jouer la transparence. Il a mis en ligne des rapports et des photos visant à éclairer le déroulé de cette journée au lourd bilan (7 blessés parmi les manifestants, dont 2 toujours dans le coma, et 47 blessés parmi les gendarmes, dont 2 gravement). Les éléments communiqués ne permettent pas de dire que l'État a fait un sans-faute. Ils montrent des dysfonctionnements à la marge. Dans le chaos ambiant, les secours ont parfois mis du temps à trouver les blessés. Mais pourquoi ce chaos ? Il convient aussi de placer les organisateurs de la manifestation devant leurs responsabilités, considère la préfète des Deux-Sèvres, Emmanuelle Dubée.

Le Point : Il n'y a eu aucune concertation entre la préfecture et les organisateurs de la manifestation du 25 mars à Sainte-Soline. Pourquoi ?

Emmanuelle Dubée : Parce que les organisateurs n'ont pas souhaité travailler avec les services de l'État. À aucun moment ils n'ont déclaré la manifestation. C'était la première fois qu'ils agissaient ainsi. Les autres manifestations, y compris celle du 29 octobre 2022 à Sainte-Soline, avaient été déclarées dans les formes (cette dernière avait été interdite, NDLR). Nous avons pris l'initiative de nous rapprocher de Bassines non merci, des Soulèvements de la terre et de la Confédération paysanne, dont les logos apparaissaient dans les différents visuels annonçant l'événement du 25 mars. Je leur ai adressé un courrier le 10 mars. Ils n'ont jamais répondu. Ils ont gardé le secret jusqu'au bout sur leurs itinéraires et maintenu l'ambiguïté sur le lieu même de la manifestation. Nous avons découvert le vendredi 24 mars l'installation d'un camp de base à Vanzay. Ce n'est pas de la négligence. Nous avons été sciemment maintenus dans l'ignorance.

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Comment avez-vous préparé le dispositif de sécurité, dans ce contexte ?

Même en l'absence de déclaration, nous savions qu'il y aurait une manifestation, avec de fortes craintes de violences. Je l'ai interdite par plusieurs arrêtés sur les deux sites pressentis, Sainte-Soline et Mauzé-le-Mignon. Par ailleurs, nous avions anticipé que ces arrêtés ne seraient pas respectés (la Confédération paysanne et la LDH ont attaqué devant la justice administrative, sans succès, un arrêté préfectoral du 17 mars interdisant le port et le transport d'armes par destination dans le périmètre concerné, NDLR). Nous avons donc préparé et positionné un dispositif de secours, qui a mobilisé jusqu'à 117 personnes au plus fort des affrontements.

Les forces de l'ordre ont-elles échangé avec les organisateurs pendant la journée du 25 mars ?

Dans le cadre du schéma national de maintien de l'ordre, il y a eu des tentatives de prises de contact par des officiers de gendarmerie, de plusieurs manières, en direction de personnes qui pouvaient se présenter comme des organisateurs, alors que la manifestation avait déjà commencé. Les réactions ont été majoritairement hostiles.

Nicolas Girod, porte-parole national de la Confédération paysanne, assure avoir échangé par SMS pendant la manifestation avec le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, pour faciliter les secours.

Par plusieurs échanges téléphoniques, du vendredi 17 mars au soir, au mardi 21 mars en fin de matinée, j'ai proposé à la Confédération paysanne des Deux-Sèvres de se désolidariser de cette manifestation à haut risque. Je l'ai incitée à déclarer une manifestation respectant l'ordre public et la sécurité des personnes, gendarmes comme manifestants. Cette proposition a été refusée par mon interlocuteur, faute pour sa part de pouvoir garantir le respect par les trois co-organisateurs de l'accord que j'avais proposé.

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Ce manque de concertation en amont a-t-il pu affecter la sécurité des manifestants ?

Je laisse les organisateurs mesurer leur part de responsabilité.

La Ligue des droits de l'homme déplore que les gendarmes aient empêché l'intervention des secours dans des secteurs qui, selon ses observateurs, étaient calmes. En avez-vous trop fait ?

En situation hostile ou difficile, la règle de base est que les secours interviennent seulement lorsque leur sécurité est garantie, jamais en zone d'affrontement. Tous les commentateurs n'ont peut-être pas à l'esprit la spécificité d'une manifestation en zone rurale. Nous étions en terrain ouvert, les forces de l'ordre faisaient face à des groupes armés aux déplacements très rapides. Une zone calme à un moment donné, selon les appréciations d'un observateur distant, n'apportait pas la garantie d'un calme pérenne. Je trouve choquant de laisser penser que nous aurions bloqué les secours. C'est insupportable à entendre.

Comment vont les deux gendarmes qui se trouvaient en urgence absolue ?

Mieux. Ils sont en urgence relative.

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