Ils sont syndicalistes, intellectuels, artistes ou militants. Et ils appellent les Français à se mobiliser massivement le 31 janvier, contre la réforme des retraites voulue par le gouvernement. Voici leur tribune :
« Le succès de la journée de grève et de manifestation du 19 janvier est sans appel. Depuis plus d'une décennie, nous n'avions pas connu un tel niveau de mobilisation, encore moins pour une première journée. Alors que l’opinion publique est massivement opposée à la réforme des retraites, de nombreux secteurs du privé, du public et de la jeunesse montrent qu’ils sont prêts à mener la bataille contre le gouvernement.
Jamais nous n’avons connu une telle combinaison, dans une période où le gouvernement apparaît depuis plusieurs mois affaibli, frappé par la crise inflationniste, la crise énergétique mais aussi la profonde crise politique. Tout cela indique qu’il est possible de le faire reculer, voire d'arracher des acquis comme la retraite à 60 ans (55 pour les métiers pénibles) avec 37,5 annuités et une augmentation générale des salaires et des pensions. Cependant, sans plan de bataille à la hauteur, Macron, qui joue son mandat sur cette réforme, ne cédera pas.
L’expérience de toutes les mobilisations précédentes, à commencer par le puissant mouvement des retraites de 2010, montre que les journées d'action de 24 heures, même massives, ne suffisent pas. Or, après la date du 19 janvier, l’intersyndicale a annoncé une nouvelle date le 31 janvier, et ce alors que des plans plus ambitieux étaient dans le paysage.
Il est central que cette date soit encore plus importante que le 19 janvier, mais il faut commencer à discuter d’un plan qui permette de poser les bases d’un départ en grève reconductible. Le gouvernement a fixé des échéances parlementaires très resserrées et l'enchainement de journées espacées risque de laisser se dissiper la colère exprimée le 19.
Dans ce contexte, les raffineurs de la CGT ont proposé un calendrier visant à aller crescendo vers un mouvement reconductible. Après 72h de grève à partir du 6 février, ils proposeront ainsi « la grève reconductible avec si nécessaire l’arrêt des installations » aux travailleurs de leur secteur. Cette stratégie est déjà rejointe par la CGT Energie et discutée dans de nombreux secteurs, elle peut être un véritable point d'appui pour construire une large grève reconductible, en cherchant à concentrer les efforts pour taper tous en même temps.
Pour construire un mouvement reconductible après le 31 janvier, il est cependant indispensable que ces secteurs, qui occupent des positions stratégiques et ont une grande capacité de blocage, soient rejoints par des millions d'autres travailleurs, ainsi que par la jeunesse, pour généraliser la grève. De fait, ceux qui paieront le prix le plus fort sont précisément les travailleuses et travailleurs les plus précaires, les femmes et les jeunes. Le recul de l’âge légal de départ à 64 ans et l’allongement de la durée de cotisations rendra presque impossible à tout salarié ne bénéficiant pas d'une carrière ininterrompue d’avoir droit à une pension complète.
Le combat contre la réforme des retraites est une lutte de classes, mais également un combat féministe, anti-raciste, qui concerne les travailleurs, la jeunesse et tous les opprimés
Or, c'est le cas particulièrement pour les femmes, qui ont souvent des carrières hachées, pour les jeunes contraints d'enchainer les petits boulots précaires et qui rentrent de plus en plus tard sur le marché du travail, ainsi que pour les travailleurs les plus précaires, souvent issus de l'immigration, qui exercent des métiers pénibles dans le nettoyage, la logistique ou d’autres activités sous-traitées. C'est le cas également de toutes les personnes subissant une forme de discrimination au travail en raison de leurs origines, croyances, genre ou orientation sexuelle.
C'est pourquoi le combat contre la réforme des retraites est une lutte de classes, mais également un combat féministe, anti-raciste, qui concerne les travailleurs, la jeunesse et tous les opprimés ! De même, alors que le projet de nous faire travailler toujours plus s’inscrit dans la logique du capitalisme, dont le système basé sur le profit est toujours plus dévastateur pour les travailleurs comme pour l’environnement, cette lutte est également écologiste.
Nous le savons, faire grève n’est pas accessible aussi facilement à l’ensemble des travailleuses et travailleurs. C’est d’ailleurs un des arguments soutenus par nombre de dirigeants syndicaux pour repousser la perspective d’une grève générale. Pourtant, celle-ci est indispensable pour gagner et des solutions existent pour pouvoir lutter tous ensemble.
Imposer une défaite majeure à Macron et son monde
Pour s’organiser dans cette perspective et construire la grève reconductible par en bas, il est fondamental de construire, partout où c'est possible, des assemblées générales sur les lieux de travail et d'études, mais aussi des assemblées générales interprofessionnelles regroupant travailleurs de différents secteurs et jeunes qui se chargent d'étendre la mobilisation aux secteurs les moins mobilisés, d'organiser la solidarité à l'égard des plus précaires, de faire vivre la mobilisation partout en dehors des grandes journées de manifestation et de coordonner l'action des grévistes.
C’est ainsi que nous pourrons briser les obstacles et préparer un 31 janvier encore plus fort que le 19, qui marque le début d'une dynamique de grève reconductible généralisée, pour faire retirer la réforme et imposer une défaite majeure à Macron et son monde. »
Liste des premiers signataires :
Alexis Antonioli, CGT Total Normandie
Lionel Arbiol, CGT ExxonMobil/Esso Fos-sur-Mer
Fernande Bagou, agent nettoyage Onet -SNCF, syndiquée CFDT
Lauren Bastide, journaliste
François Bégaudeau, écrivain
Ahmed Berrahal, CGT RATP Flandres
Frédéric Bichot, cosecrétaire de l'UL CGT d'Harfleur
Saïd Bouamama, sociologue, militant FUIQP
Youcef Brakni, militant des quartiers populaires
Cédric Brun, délégué syndical central adjoint CGT PSA
Maryse Cerviotti, secrétaire de Sud Santé Sociaux 34
Daniela Cobet, porte-parole de Révolution Permanente
Virginie Cochet, FO Cheminots
Adrien Cornet, CGT Total Grandpuits
Quentin Dauphiné, bureau national de la FSU
Laurence De Cock, historienne
Geoffroy De Lagasnerie, philosophe
Abderrazak Djeffel, secrétaire fédéral de la fédération commerce et service UNSA
Nicolas Framont, journaliste
Bernard Friot, économiste, PCF, FSU
Bruno Galaud, CGT Airbus
Marc Godard, secrétaire départemental Sud PTT 34
Adèle Haenel, comédienne
Kaoutar Harchi, écrivaine
Mathieu Hingant, Force Ouvrière La Poste
Anasse Kazib, Sud Rail Paris Nord
Tayeb Khouira, Sud Aerien Roissy CDG
Judith Krivine, membre du SAF, avocate au barreau de Paris
Reynald Kubecki, CGT Sidel Octeville
Magdalyne Laphoret, CFDT Transdev
Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire
Yoann Lecante, secrétaire général CGT RTE 33
Lilian Lemoine, CGT CIM Le Havre
Didier Lestrade, écrivain, fondateur d'Act-up Paris
Cédric Liechti, CGT Energie Paris
Luc Ligey, secrétaire général FO transports 33, militant LFI
Frédéric Lordon, philosophe
Sandra Lucbert, écrivaine
Enzo Malagrino, CGT Petroineos Lavéra
Bénédice Monville, conseillère régionale EELV
Abdelaziz Naser, secrétaire du syndicat STAAAP Roissy
Stefano Palombarini, économiste
Nicolas Perreira, secrétaire de l'UL CGT de Roissy Charles de Gaulle
Jean Louis Peyren, Coordinateur national CGT Sanofi
Régis Pigeon, CGT GRDF Magnanville
Arnaud Robin, CFDT AAA (sous-traitance aéronautique)
Mouloud Sahraoui, CGT Geodis Gennevilliers
Ariane Serge, militante Le Poing Levé et Du Pain et des Roses
Omar Slaouti, militant antiraciste, enseignant, SUD Educ
Benjamin Tange, délégué syndical central CGT Total Energie
Sonny Touati, CFDT Vandemoortele
Françoise Vergès, politologue, féministe décoloniale Mickaël Wamen, ex-CGT Goodyea