POURQUOI LA SUèDE N'A PAS ENCORE ADHéRé à L'OTAN ?

Depuis la candidature du pays, la Hongrie et surtout la Turquie bloquent le processus d’adhésion. View on euronews

L'invasion russe de l'Ukraine a poussé la Finlande et la Suède à demander l'adhésion à l'Otan. Les deux pays ont d'abord déclaré qu'ils suivraient le processus ensemble. Le 4 avril 2023, la Finlande est devenue officiellement le 31e membre de l'Alliance. Mais la Suède attend toujours. Pourquoi ?

Barrières à l'entrée

Depuis le milieu des années 1990, la Suède et la Finlande participent au programme de Partenariat pour la paix de l'Otan et entretiennent des liens étroits avec l'Alliance. Son secrétaire général, Jens Stoltenberg, a même qualifié ces deux pays de plus proches du bloc.

Lors du sommet de l'Otan à Madrid, en juin 2022, les membres de l'Alliance ont voté à la quasi-unanimité en faveur de l'admission de la Suède et de la Finlande. Si la Hongrie a exprimé sa crainte de provoquer la Russie, elle n'a toutefois pas interféré avec cette décision, bien qu'elle n'ait pas encore ratifié l'adhésion de la Suède.

Le seul pays membre de l'Otan qui s'est ouvertement prononcé contre l'entrée de la Suède et de la Finlande est la Turquie. Ses représentants ont déclaré que ces pays abritaient des militants d'organisations qu'Ankara considère comme terroristes (telles que le PKK, le PYD, le YPG et le mouvement Gülen) et ont exigé leur extradition vers la Turquie. Une autre condition posée par Ankara à Stockholm était la levée d'un embargo sur les armes à destination de la Turquie, que les autorités du royaume ont instauré après l'opération militaire turque dans le nord de la Syrie.

Le 29 juin 2022, un mémorandum tripartite a été signé à Madrid entre la Suède, la Finlande et la Turquie, prévoyant la création d'un "mécanisme conjoint permanent" entre Ankara, Stockholm et Helsinki. Dans ce document, la Suède et la Finlande se sont engagés à mener une "lutte plus efficace" contre le terrorisme et à remettre à la Turquie les activistes kurdes qu'elle réclame.

Comment la Suède a répondu aux exigences de la Turquie

Après les élections du 11 septembre 2022, le pouvoir en Suède est passé des sociaux-démocrates à un gouvernement de coalition de partis conservateurs. Le 30 septembre, le nouveau gouvernement a levé l'embargo sur les armes à destination de la Turquie et a adopté une nouvelle loi antiterroriste.

Début octobre, des représentants des ministères de la justice suédois et turc ont tenu une réunion sur l'extradition des personnes réclamées par Ankara. Le nouveau premier ministre suédois, Ulf Kristersson, a envoyé une lettre au président turc pour lui dire que Stockholm était prêt à coopérer dans le format souhaité par Ankara.

"Si l’on regarde seulement cet accord, la Suède a fait sa part du travail, estime Stefen Hedlund, chercheur à l'université d'Uppsala. C’est ce que répète le secrétaire général de l’Alliance M. Stoltenberg dès qu’il en a l’opportunité : la Suède est prête à entrer, par rapport à cet accord. Mais bien sûr, M. Erdogan joue son propre jeu."

Mais au début de l'année 2023, les relations entre les deux pays se sont dégradées après qu'un militant d'extrême droite a brûlé un Coran en Suède.

Le même jour, des partisans du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) sont descendus dans les rues de la capitale suédoise pour protester contre la politique de la Turquie qui, selon eux, vise à opprimer les minorités nationales. La demande de remise à la Turquie des individus qu'Ankara qualifie de terroristes a également suscité l'indignation. Les manifestants ont affirmé que Recep Tayyip Erdogan entendait ainsi réprimer ses opposants et que des mauvais traitements les attendaient dans les prisons turques.

Ankara a finalement refusé son soutien à l'adhésion en invoquant des actions anti-turques.

"La Suède ne peut pas être entre les mains de la Turquie, jugeant d'un incident à l'autre si la Suède est un bon allié au sein de l'Otan, affirme Anna Wieslander, directrice pour l'Europe du Nord à l'Atlantic Council. La Suède sera un bon allié, ce qui servira également les intérêts de la Turquie en matière de sécurité."

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Serhat Güvenç, professeur de relations internationales à l'université Kadir Has d'Istanbul, pense qu'il ne s'agit pas seulement de l'adhésion de la Suède à l'Otan, mais aussi des relations turco-américaines, en particulier de la vente d'avions de combat F-16.

"Le nœud du problème est probablement l'accord sur les F-16, dit-il. Vous savez, la question du transfert ou de la vente de F-16 est très importante pour la Turquie. C'est le cœur du problème, si vous voulez mon avis. S'il y a des progrès dans ce domaine, le reste sera réglé relativement facilement."

Serhat Güvenç évoque également les ambitions personnelles de Recep Tayyip Erdogan : "Il a besoin de régler ses comptes avec Washington, en particulier avec le président Joe Biden, qui a refusé de le rencontrer à titre officiel jusqu'à présent. Par conséquent, une visite officielle à la Maison Blanche aiderait probablement les Suédois plus que tout ce qu'ils peuvent faire eux-mêmes".

Ce que les élections turques peuvent changer

Maintenant que M. Erdogan a été réélu, il peut prendre des décisions qui étaient impossibles à prendre pendant sa campagne électorale car il ne pouvait pas se permettre d'affaiblir sa position.

"La Turquie ne peut pas retarder à elle seule l'adhésion de la Suède à l'Otan. Il y a donc une limite à cela. Et cette limite approche à grands pas", estime Serhat Güvenç.

"L'Otan doit se doter d'une stratégie à long terme pour faire face à la Russie et au flanc nord, avec l'Arctique et les bases nucléaires sur la péninsule, insiste Stefen Hedlund. Ca deviendra donc un très grand problème pour l'Otan s'il devient impossible de coordonner le flanc nord parce que la Suède est tenue à l'écart par la Turquie. Alors, le prix à payer pour la Turquie sera très élevé".

En marge de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Otan à Oslo ce mercredi, le secrétaire général de l’Alliance Jens Stoltenberg a indiqué espérer une adhésion de la Suède avant le sommet de Vilnius prévu les 11 et 12 juillet prochains.

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