HONFLEUR : DES HABITANTS MOBILISéS CONTRE LA « FRéNéSIE » IMMOBILIèRE

« Non au béton. » « Stop aux chantiers. » « Aux arbres, Honfleurais. » Brandies par une cinquantaine d'habitants de Honfleur, ces petites pancartes sont destinées aux 29 conseillers municipaux de la ville rassemblés le mardi 28 mars sous les voûtes de l'ancien grenier à sel devenu salle de réunion. Une manifestation silencieuse d'une demi-heure qui n'entrave en rien le débat budgétaire. En moins d'un an, trois des six réunions du conseil municipal de Honfleur ont été marquées par l'irruption d'une délégation, toujours plus importante, d'habitants mécontents de la « bétonnisation » de la ville.

Le 5 mai 2022, ils étaient une vingtaine à protester contre le permis de construire, dans le quartier pavillonnaire du Galvani, d'un immeuble de 24 logements sur un terrain, propriété du maire, Michel Lamarre, élu depuis 1995. En raison des difficultés d'accès des véhicules de pompiers vers le futur immeuble, le permis de construire a été retiré. Lors du conseil municipal du 5 octobre 2022, trois policiers municipaux, chacun un Taser rangé sur la hanche, filtrent, selon le média en ligne normand Le Poulpe, l'entrée d'une trentaine de Honfleurais mobilisés par le collectif Laisse béton, qui dénonce la multiplication des chantiers immobiliers.

1 300 nouveaux logements en dix ans

Un conseiller municipal d'opposition élu depuis 2020 relaie ce jour-là les inquiétudes du collectif face au projet d'une école unique dans le quartier du Plateau. Il s'agit de remplacer les deux écoles existantes : « Pourquoi ne pas rénover les bâtiments scolaires existants plutôt que d'en construire un neuf », avait fait valoir Laisse béton, qui s'inquiète aussi de l'urbanisation à venir sur le terrain de 8 hectares retenu pour la future école. « Les deux écoles se vident. Une seule avec moins de dépenses, c'est le bon sens », estime le maire.

L'un des chantiers en cours, chemin des Varets, à Honfleur. © JP Beuve

Plus largement, les opposants, dont un ancien élu, déplorent une « véritable frénésie immobilière » : ils disent avoir recensé, en incluant la commune voisine de La Rivière-Saint-Sauveur, 1 300 nouveaux logements entre 2012 et aujourd'hui. Dans la seule rue Émile-Renouf (de 1,2 km de longueur) sont en cours deux chantiers de construction de 57 appartements, dont 30 pour une résidence « intimiste » de Bouygues. Dans cette même rue ont été livrés 102 logements entre 2018 et 2020. Ce 29 mars 2023, le site Vianova spécialisé dans l'immobilier recensait 44 biens neufs à vendre à Honfleur. Premier prix : 148 000 euros pour un T2.

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« Le maire ne peut pas empêcher les projets privés sur des propriétés privées. Même si je suis le premier à en regretter certains, explique le maire, Michel Lamarre, lors du conseil municipal du 5 octobre 2022. La ville n'a pas tous les pouvoirs, mais je passe mon temps à faire en sorte que certains dossiers soient revus à la baisse. » L'opposition à la bétonnisation entraîne la multiplication des collectifs. On en dénombre quatre, dont le dernier né dans l'étroite rue aux Chats, sur la hauteur : au n° 10, une longère dotée d'un grand terrain doit laisser la place à un immeuble de 14 mètres de hauteur qui comportera 18 logements et 36 places de parking, dont la moitié en sous-sol.

Flambée des prix et des nuisances

Depuis septembre 2022, la réglementation locale prévoit une réunion de concertation autour de chaque projet : celle-ci s'est tenue le 16 mars. Un temps de chien pour le promoteur de la rue aux Chats qui a fait face à 60 Honfleurais très remontés. Jean Luc Pronier, le constructeur, s'est vu reprocher l'explosion des locations saisonnières, la flambée du prix de l'immobilier, les nuisances des chantiers, les habitations vacantes, la circulation, etc. « Trop de sujets pour lesquels je n'ai pas de réponse », fait valoir le promoteur, selon l'hebdomadaire Le Pays d'Auge.

Paradoxalement, le tsunami de permis de construire n'a pas fait progresser la démographie. Selon l'Insee, 8 272 habitants en 1990, 6 742 en 2020 et en projection, 6 318 en 2022. Un recul de 23 %, alors que le nombre de résidences principales a très modestement progressé : 3 379 en 1990, 3 440 en 2019 (+ 2 %). Dans le même temps, les résidences secondaires débordent : 487 en 1990, 1 579 en 2019.

Des résidences secondaires vouées à la location saisonnière pour la plupart via Airbnb et Booking. « Dans la rue Bucaille, au centre-ville, on dénombre 60 logements et? 20 habitants », constate un conseiller municipal d'opposition de 2014 à 2020. Comptant 6 300 habitants, la cité « accueille » 5 millions de touristes chaque année.

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« Un appartement proche du centre-ville peut rapporter 4 000 ? par mois en location saisonnière contre 7 000 ? par an en location à l'année », concédait le maire lors du conseil municipal du 5 octobre 2022. On recense aujourd'hui 1 900 meublés de tourisme soit 33 % du parc de logements existants. Dans le même temps, la ville et ses environs doivent faire face à 600 demandes non satisfaites de logements sociaux. La quadrature du cercle.

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